Fin de journée. Comme une plongée dans l’humain, au cœur de l’humanité indienne. La ville est un mouvement perpétuel, à pied, en voiture, en moto, rien ni personne ne s’arrête, jamais. Alors moi aussi je marche. Et je me perds. Ici personne ne connaît parfaitement la ville, même pas les chauffeurs de taxi. Et pourtant ils sont prêts à t’emmener partout. Un regard vers toi, un coup de klaxon : « tu montes chéri ? »
- Merci mais non merci. Je préfère la marche à pied.
Je regarde le plan. Il est faux, forcément puisque je suis perdu, à moins que ce ne soit la tête que je perds. Possible aussi.
- Mahatma Gandhi Road, please….
- Vous y êtes.
Alors je continue.
- Gateway of India, c’est bien par là ?
- Pas du tout, c’est de l’autre côté.
Putain de plan. Je fais donc demi-tour et ma chemise en a assez de la chaleur alors elle transpire aussi. Finalement j’arrive au Gateway of India, arc de triomphe anglais qui fait face à la mer d’Oman et construit en 1911 pour le venue du Roi Georges V et de la Queen Mary. Sur la place, peu d’occidentaux, le touriste est indien. Moi aussi je suis un touriste. Ça va pas non ? Le touriste il a un bermuda, des tongs, la peau rougie par le soleil et l’appareil photo en bandoulière alors que moi le bermuda, merci mais non merci. Pour le reste, c’est quand même un peu ça. Sur la place il y a aussi Mister Mac qui veut me vendre une visite d’Elephanta mais je n’aurai pas le temps aujourd’hui.
- Pourquoi ?
- Parce que le programme est déjà chargé : le musée national au nom à rallonge et dont la visite devrait me prendre un bon bout de temps puisque je suis passé devant et qu’il m’a l’air grand comme le château de Versailles.
- Et c’est tout ? me répond Mac.
- Euh non, je voudrais voir le Taj Mahal Hôtel.
- Je peux vous faire la visite du musée.
- What’s your name?
- Mister Mac.
- Mister Mac, je pars demain pour Calcutta mais je reviens à Mumbai et alors j’irai à Elephanta avec vous.
- Voici ma carte.

Je la prends, jette un coup d’œil, c’est écrit : « Mister Mac » dessus. Je l’aime bien. Je le lui dis. Il me dit qu’il peut aussi me faire visiter tout le reste de la ville aujourd’hui, le pays entier et même le reste du monde. Il m’est très sympathique Mister Mac mais pas aujourd’hui. Maintenant j’ai faim, le guide que j’utilise propose des endroits alors je choisis celui qui a l’air le moins engageant, histoire d’éviter les éventuels touristes. Ça s’appelle Bagdadhi. Le gamin qui m’indique une table ne comprend pas mon anglais. Un autre arrive. Je commande. Chicken Biriany. C’est délicieux en plus. 70 roupies. 1 euro et 10 centimes. Je laisse le billet de 100 et ressorts. Il fait toujours 35 degrés et on veut me vendre des tambours, des ballons géants en forme d’aubergine (qui achète ça ?), des montres, encore des tambours.
- J’en ai déjà acheté un, dis-je au vendeur de tambour.
- Mais celui-ci est pour vos enfants.
- Je n’ai pas d’enfants. Je les mange les enfants, avec du riz.
- Hein ?
- C’était une blague. Allez, je vous le prends votre tambour…
Mais il est déjà parti. J’ai dû lui faire peur. Je rejoins le musée au nom à rallonge : Chatrapati Shivaji Maharaj Vastu Sangrahalaya (formerly Prince of Wales Museum of Western India). Ouf. Le musée présente une histoire du pays, de la préhistoire à nos jours avec des poteries, des jouets, des ustensiles, des vêtements, des pièces de monnaie, des statues, des photos et même des toiles d’art moderne indien. Il propose aussi des ventilateurs et des salles climatisées et croyez-moi, ça fait du bien. Je sors du musée et un homme me propose d’acheter un tambour, un autre un ballon (en forme d’aubergine). Je vois des enfants assis par terre en train de jouer, une famille entière qui semble vivre sur ce bout de trottoir… C’est la fin de la journée, la nuit commence à tomber et je marche encore dans la ville. Je fais le tour du Taj Mahal Hôtel sans en trouver l’entrée. Peu importe. Je m’en fous du Taj Mahal Hôtel. De grands panneaux montrent Marion Cotillard portant du Christian Dior. Je m’en fous aussi. Je vois des petites filles à la beauté stupéfiante demander qu’on leurs achète du riz pour nourrir leurs familles. Et je ne m’en fous pas. J’ai juste envie de pleurer. J’échoue dans un magasin de tissus, ça s’appelle Fabindia. C’est beau. Des tissus magnifiques, des saris de toutes les couleurs, des tuniques, des étoles, de la soie, du commerce équitable et des cadeaux à faire pour les amis et la famille. Je reviendrai là. Je reviendrai aussi pour Mister Mac. Aussi pour acheter du riz à qui me le demandera. Tout le riz qu’elle voudra la petite fille aux grands yeux noirs et à l’air inquiet.
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